ACADEMIE DE LA MEDITERRANEE UNIVERSITE
CADI AYYAD
Bureau de Marrakech Marrakech
CHAIRE AVERROES
Chaire UNESCO D’ETUDES MEDITERRANEENNES
____________________
Sous la présidence effective de M. Khalid
Alioua,
Ministre
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique
LECON INAUGURALE
_________________
Le Développement durable : un label à la
mode
Ou un apport conceptuel et méthodologique
effectif ?
Par
Le Professeur Nadir Mohamed Aziza,
Secrétaire général de l’Académie de la
Méditerranée
_________________
Amphithéâtre X du Centre Jeber – Faculté des
Sciences - Semlalia
Mercredi 11 décembre 2002 à 10h 00
Introduction
La
formule « développement durable » est devenue depuis quelques temps
un must obligé du langage journalistique, des réunions politiques,
économiques ou scientifiques. Elle a pris sa place au rayon des locutions
convenues que tout un chacun utilise sans forcément en interroger la
signification ou les composantes.
La
fortune de cette formule est frappante. Elle est devenue incontournable dans
nombre de réunions internationales.
Ainsi le Forum Global organisé par les Nations Unies
et la Banque mondiale en coopération avec le gouvernement marocain, sur le
thème : « Citoyens – Entreprises et Etats : dialogues et
partenariats pour la promotion de la démocratie et du développement » qui
s’est ouvert, hier, dans la ville de Marrakech, consacrera une part de ses
travaux à l’examen de cet objectif.
Il y a quelques jours, le jeudi 28 novembre 2002, le
gouvernement français a organisé une journée de réflexion en conclave et sous
la présidence du Premier Ministre lui-même, consacrée au thème du développement
durable.
Ces
initiatives ne sont pas isolées. Loin de là.
C'est dire la fortune de la formule et du concept qu’elle
sous-tend
C’est dire la nécessité d’un examen approfondi de
cette nouvelle notion.
Mais
avant de s’y consacrer, il faut rappeler brièvement les différentes acceptions
par lesquelles est passé le concept de développement.
Evolution de la théorie du développement.
La
théorie du développement a évolué au cours des cinq dernières décennies.
Dans
un premier temps est apparue une théorie mécaniciste qui prônait la modernisation
des pays émergents comme panacée garantissant le développement. Cette modernisation
devait s’appuyer sur un processus simple, pour ne pas dire simpliste : le
rattrapage.
Il suffisait, d’après les tenants de cette théorie du
développement de donner aux sociétés émergentes des outils que les
nations industrialisées avaient inventé au cours de leur révolution
industrielle, pour que leur usage de la part des sociétés émergentes
entraine automatiquement, pensait-on, l’enclenchement d’un processus de
rattrapage du retard scientifique et technique accumulé par les nations
en voie de développement.
C’était l’époque où, au plan de la théorie,
fleurissait la prescription du transfert des technologies et, au plan de
la pratique, l’usage immodéré de la livraison des structures censées être
modernisantes et donc développantes, clefs en main.
L’industrialisation massive fut, ici et là, un échec
patent.
Cette
approche mécaniciste et simpliste du développement montra vite ses limites et
amena, dans un deuxième temps, une analyse plus complexe des situations et une
attention plus vive aux données sociales et culturelles susceptibles
d’aider ou de bloquer le processus du développement économique.
On admit peu à peu que le processus du développement
ne pouvait pas être appréhendé dans sa seule dimension économique. L’individu
et la société ne peuvent pas être réduits à cet homo économicus
unidimentionnel que les développementistes mécanicistes avaient promu comme
seul sujet d’intérêt.
La
réflexion sur le développement s’est alors complexifiée.
On admit que la dimension sociale, culturelle et même
politique avait affaire avec la question du développement. Apparurent alors les
notions comme la bonne gouvernance, l’impératif démocratique, les modes
alternatifs d’application des procédés économiques et techniques, l’attention
aux unités de base de la vie économique (les PME et les PMI), l’accent mis sur
la nécessaire politique de répartition plus juste des richesses (pour affermir,
entre autres, les classes moyennes garantes de stabilité et de continuité).
On se préoccupa, de plus en plus, d’associer la
société civile à l’élaboration des politiques publiques et de lui permettre de
générer, dans l’autonomie, des initiatives personnelles (Banques de micro-crédits
pour les couches défavorisées sur la base d’un projet). Expériences de
développement intégré comme celle, remarquable, menée par Ali Amahan à Aït
Iktel, pour citer un exemple géographiquement proche.
On s’avisa qu’aucun développement auto-centré ne
pouvait advenir sans un vrai souci des composantes culturelles et mentales des
individus et des sociétés. C’est au fond de l’immense réservoir des
représentations culturelles et des expérimentations sociales, certes endormies
par des siècles d’engourdissement internes et des périodes de domination
externe, qu’il fallait puiser les éléments de référence pour élaborer un processus
endogène de développement qui allierait reprise en charge de l’identité et
innovation dynamisante.
Cependant, la question de savoir si des
expérimentations relativement circonscrites peuvent être étendues et
généralisées à une plus grande échelle, demeure pendante.
Dernièrement,
cette réflexion sur le développement connut deux nouveautés conceptuelles
intéressantes.
Devant
l’afro-pessimisme plus ou moins général, le Président sénégalais Abdoulaye Wade
lança le NEPAD – Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique.
Cette approche souligne la liaison qu’il convient
d’établir entre développement et partenariat. Elle prêche un double effort, de
la part des pays en voie de développement comme de ceux dispensateurs d’aide, notamment
mais non exclusivement pour la question essentielle de l’annulation des
dettes que le Maroc défend avec brio depuis la mise au point du plan
d’action du Caire et qu’il continuera sans doute à défendre devant le prochain
Sommet Afrique – Europe qui doit avoir lieu à Lisbonne, dans quelques mois.
Les uns et les autres doivent revoir leurs objectifs
et leurs procédures pour maximaliser les effets de leur coopération en matière
de développement et en finir avec la gabégie constatée pendant des décades, en
tenant compte des potentialités du marché africain et non pas en
continuant à considérer l’Afrique comme un perpétuel malade à assister.
La
seconde nouveauté conceptuelle, en matière de théorie du développement, a trait
à la notion de développement durable à laquelle nous allons, à présent,
consacrer quelques moments de réflexion.
Une rénovation obligé des manières de penser
et de comporter.
D’emblée, nous pouvons nous demander à quoi est dû ce
succès inattendu de la formule, pourtant vague, de « développement
durable »
Pourquoi ce succès maintenant alors que depuis un
demi-siècle économistes et écologues tirent presqu’en vain, la sonnette
d’alarme : Club de Rome et croissance zéro, René Dumont et l’agriculture
en péril, etc …
Un début d’explication pourrait être trouvé dans
l’apparition d’une nouvelle conscience collective sous l’effet de trois
facteurs :
·
Démographiques : Dans quelques décennies, la population
globale du globe passera de 8 à 12 milliards d’humains.
·
Extansion du mode
de vie occidental et du modèle consumériste.
·
Menaces
écologiques sur le système
terre.
-
Pas de projet de
société alternatif crédible au modèle consumériste – libéral (après
l’échec des autres propositions de gestion sociale)
-
Les changements
souhaitables pour faire face aux nouvelles menaces ne pourront résulter ni d’un
changement des institutions, ni d’une distribution nouvelle des pouvoirs. Mais
d’une démarche plus profonde, plus diffuse et plus générale impliquant un
changement des modes individuels de vie et, plus généralement, une rénovation
des manières de penser et de se comporter vis-à-vis des autres et de la nature.
Essai
de définition :
·
Très largement
programmatique, une définition fut proposée, en 1987, dans un rapport intitulé « Notre
avenir à tous » rédigé, à la demande des Nations Unies, par une Commission
mondiale sur l’environnement et le développement présidée par l’ancien Premier
ministre de Norvège, Mme Gro Harlem Brundtland.
« Le développement
durable est le développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
·
Ce qui implique,
au premier chef, qu’on ne mette pas « en danger les systèmes naturels qui
nous font vivre : l’atmosphère, l’eau, les sols et les êtres vivants » La
notion de ‘développement durable’ ou de ‘sustainable development’ sera
consacrée à la Conférence de Rio au Sommet de la Terre en juin 1992.
·
3 dimensions
dans le concept de développement durable :
·
Dimension environnementale
inséparable du souci des générations futures.
·
Dimension économique :
satisfaction des besoins, légitimité de la recherche de la croissance sans
cependant renoncer au contrôle de la croissance des flux de matières et
d’énergie.
·
Dimension sociale :
une croissance solidaire, au profit du plus grand nombre pour réduire la
« fracture » sociale.
·
Deux
interprétations s’affrontent :
·
L’interprétation
faible (les économistes Solow et Hartwick) selon laquelle il n’y a pas
lieu de contrôler les flux de matières et d’énergies car le capital technique
acquis compense, pour les générations futures, le capital naturel dégradé.
·
L’interprétation
forte qui appelle au contrôle des flux pour préserver le capital
naturel.
Développement actuel et
environnement :
·
L’impact massif
des activités humaines sur la biosphère impose une réflexion en profondeur sur
la nécessité de rénover nos façons de penser et de nous comporter
L’homme est devenu, selon la
formule du premier théoricien de la biosphère, Vladimir VERNASKY :
« une force géophysiologique » c’est à dire un agent actif pouvant
influer sur les mécanismes régulateurs de la biosphère.
Marées noires : les naufrages
de pétroliers plus ou moins valides se suivent et leurs effets castastrophiques
se surajoutent- (« Prestige » le mal nommé)- Changements climatiques
avec les conséquences tragiques de leurs dérèglements = innodations (comme
celle qui endeuilla, récemment, la ville de Mohammedia).
Voilà deux exemples parmi une
longue série de catastrophes écologiques proches de nous dans le temps et dans
l’espace, qui nous font toucher du doigt, l’importance des questions
environnementales et les menaces qu’elles font peser sur les ressources des
nations.
Pendant
longtemps l’écologie, le souci du monde et de la nature ne furent pas des
thèmes mobilisateurs ni des préoccupations de première importance.
Par insouciance et inadvertance autant qu’à cause d’un
sentiment largement dominant pendant de longues périodes historiques : le
sentiment de l’intégration de l’homme et de ses sociétés à un ordre naturel
censé ordonner le rythme général de leur existence et la direction de leur
devenir.
Le Chant XXI de l’«Illiade » montre le danger que
court Achille du fait du peu d’attention qu’il accorde aux éléments qui
l’entourent. Il a jeté au fil de l’eau tant de cadavres d’ennemis défaits
par lui que l’eau de la rivière monte, déborde et …… manque de
l’engloutir !
Goya, dans un tableau connu, renchérit : Les
duettistes qu’il peind ne se rendent pas compte qu’ils s’enlisent dans les
sables mouvants.
Prémonitions
et avertissements que l’avènement de la société industrielle, dans un premier
temps, (avec l’attitude « prométhéenne » envers une nature asservie à
la technoscience) et de la mondialisation, dans un deuxième temps, (avec la
tentation de marchandisation du monde) va concrétiser, agrandir et multiplier.
Mais la mondialisation entraîne des effets complexes
et paradoxaux en cette matière, comme dans d’autres.
Ainsi à
la montée des périls, à la multiplication et à l’aggravation des atteintes à
l’environnement répondent, grâce à l’« autre » mondialisation, une prise
de conscience graduellement élargie et un foisonnement d’ébauches de réponses
et de luttes contre les effets de la mondialisation mercantile et marchande en
matière d’environnement et d’écologie. Je vous renvoie, à ce propos, à mes
précédentes leçons inaugurales où j’ai longuement exposé la « double
lecture » possible de la mondialisation.
I-
La
multiplication et l’aggravation des atteintes à l’environnement.
Dans
presque tous les domaines, les risques ou les atteintes sont discernables et
évaluables.
·
Les cycles
naturels de la biosphère sont perturbés par les activités humaines
Trous dans la couche d’ozone du
fait de l’augmentation des gaz à effet de serre – Pollutions diverses et
variées suite aux émissions de métaux lourds (plomb, cadmium, zinc) –
Précipitations acides – Perturbations du cycle de l’eau- Perturbations des
climats – Ondes et radiations : risques non évolués (le téléphone
portable).
·
Menaces sur
les écosystèmes :
disparition de surfaces (comparables à la superficie de l’Autriche) de la forêt
tropicale – Espèces animales en danger
·
Atteintes à
la santé
Dioxine relâchée après l’accident
de Seveso (1976) en Italie. Dans la baie de Minamata au Japon, le mercure
rejeté par une usine chimique entraîna mort d’hommes et séquelles neurologiques
graves.
·
Traitement
déficient des déchets
·
Contamination
des eaux par les rejets polluants
Le Rhin charrie 4000 tonnes de
métaux par an, y compris du mercure et de l’arsenic.
L’excès de nitrates et de
phosphates entraîne le phénomène d’eutrophisation et provoque une prolifération
anarchique du phytoplancton et de certaines algues. Ce qui entraîne la
disparition de certains poisons (salmonidés) Régression de la mer d’Aral. Elle
pourrait disparaître totalement d’ici 2010.
·
Régression
accélérée des forêts tropicales et tempérées
Exploitation exponentielle du
bois.
Effets du surpâturage empêchent la
régénérescence des forêts. Agriculture itinérante entraîne la défriche
permanente.
Dans les forêts tempérées, le
double péril des incendies souvent volontaires (Corse, sud de la France) et des
« pluies acides ».
·
La menace de
l’épuisement des richesses océaniques
Pollutions marines – Déversement
du pétrole – Amocco Cadix Pêche intensive « overfishing » (détection
au sonar, filets géants, navires – usines)
Espèces en voie de
disparition : cétacés, phoques.
D’autres sont victimes des filets
dérivants = dauphins.
·
La
dégradation des sols
Accélération de l’érosion –
Avancée du béton et de l’urbanisation sauvage – Progrès de la désertification.
·
Les risques
de la sélection génétique
Le souci du rendement concourt à
la disparition des races dites locales au profit de souches sélectionnées aussi
bien pour les animaux domestiques (poulets élevés à la chaîne) que pour les
plantes comestibles (maïs génétique)
·
La menace
industrielle et nucléaire civile
Accident de Bhopal (1984) et de
Toulouse (2002) tout au long du cycle qui va de la mine (extraction de
l’uranium) au traitement des déchets, l’énergie nucléaire représente un danger
pour l’environnement. Effets de l’accident de Tchernobyl sur les hommes, les
animaux et les plantes – Three Mile Island.
·
Les risques
des biotechnologies
Jeremy Rifkin = « La roulette
écologique »
Manipulations génétiques sur les
animaux aussi bien que sur les plantes (tomates transgéniques) et risques
Anthrax.
II-
Une
prise de conscience graduellement élargie
1-
Durant
l’Antiquité : un auteur
que l’on peut qualifier comme le père putatif de l’écologie : Anaxagore
de Clazomène. Il étudia le soleil, la lune, la voie lactée. Le mouvement du
monde l’intéressait plus que les affaires de la cité.
Il fut condamné au bannissement
pour avoir soutenu que le soleil était une pierre incandescente et avoir prédit
la chute d’une météorite sur la ville. Ce qui advint effectivement.
2-
Durant les
Temps Modernes
·
Leibniz énonce la règle du principium renddendae
rationis selon lequel nous devons rendre au monde qui nous a tant donné
(naissance et vie) une part de ce dont nous bénéficions.
·
Swift affirme qu’un battement d’aile en un désert
d’Australie retentira dans les prairies de la verte Erin, peut-être demain ou
dans deux siècles.
3-
A l’époque
contemporaine
Sous l’influence du poète Henry
David Thoreau et de John Muir, une des premières associations de protection de
la nature le Sierra Club est créé en 1892, aux Etats-Unis.
Le physicien français Charles-Noël
Martin publie, en 1955, un des premiers livres consacrés aux effets de
l’explosion nucléaire à Hiroshma, intitulé « L’heure H a-t-elle sonné
pour le monde ? »
Les auteurs
« écologistes » se divisent en deux clans : Ceux qui, comme
Barry Commoner, critiquent la nature anti-écologique de la techno-science (« Quelle
terre laisserons nous à nos enfants ? ») et ceux qui, comme son
rival Paul Ehrlich, attribuent la crise écologique à l’explosion démographique (« La
Bombe P »)
Rachel Carson biologiste
américaine, fonda une autre voie : le mouvement alternatif, avec son livre
« Printemps silencieux ». C’est dans cette mouvance que se
situent Robin Clarke (travaille à l’UNESCO pour promouvoir les « technologies
douces ») Enst Friedrich Schumacher (auteur du best-seller « Small
is beautiful »)
Vladimir Vernadsky créa la notion
d’ « écologie globale » dans son livre « La
Biosphère ».
C’est dans cette perspective de «
l’hypothèse Gaïa » du chercheur anglais James Lovelock que se situent
les travaux d’Hutchinson, de René Dubos (« Courtisons la terre »),
de Barbara Ward (« Nous n’avons qu’une Terre ») et du rapport
Gro Harlem Brundland (« Notre avenir à tous ») qui inaugure
l’usage du terme de développement durable.
Une réflexion philosophique fut
inspirée à Michel Serres par l’asservissement de la technoscience à la
« thanatocratie » (« Le Contrat naturel ») tandis
qu’un autre philosophe français Luc Ferry critiquait l’«intégrisme » de
certaines composantes sectaires du mouvement écologique. C’est peut-être à
partir de 1969 au moment où l’homme a marché sur la lune et a pu contempler le
« clair de terre » que notre conscience écologique est devenue
vraiment planétaire.
Nous avons pu enfin avoir une
image objective, objectale de notre planète (« Une orange bleue »
disait Eluard) et nous rendre compte combien elle était belle, mais aussi
limitée et si solitaire dans les espaces intersidéraux. Et combien nous
n’avions que cette simple bulle pour arrimage et espace de vie !
III-
Pistes
pour agir :
Les
différentes réunions internationales organisées sur l’environnement ont abouti
à des accords ratifiés par un nombre plus ou moins grand d’Etats, Convention
sur le commerce international des espèces animales et végétales en péril (CITES
– 1973), Convention sur le droit de la mer (1982) Convention de Vienne (1985)
sur la protection de la santé contre les effets des modifications de la couche
d’ozone, le Protocole de Montréal (1987) sur la réduction ou le gel de chlorofluorocarbones
et de halons, la Convention de Bâle (1989) sur la maîtrise des déchets et la
Convention sur la diversité biologique (1992) proposée à ratification au cours
du Sommet de Rio la même année. Le Protocole de Kyots sur la limitation
d’émission de gaz a effet de serre continue à alimenter les polémiques avec les
Etats-Unis qui ont refusé de le signer.
Le
groupe de Vézelay souhaite lancer une initiative au long cours, un processus de
7 à 8 ans pour réunir l’ensemble des acteurs concernés : Puissance
publique et société civile pour tenter de jeter les bases d’une nouvelle règle
du jeu en matière de comportement environnemental basé sur un droit nouveau
national et international en cette matière.
Dans cette démarche, entrent des composants d’une
nouvelle manière d’appréhender les questions de l’environnement :
·
Oeuvrer à
réconcilier le monde économique et le monde écologique
Produire mieux pour vivre mieux.
Peut-on tempérer la logique du quantitatif par celle du qualitatif ?
Prendre en compte « le patrimoine
du futur » et notre responsabilité face aux générations futures
Etablir une différence entre
croissance et développement.
·
Etablir un
réseau mondial pour des expériences locales
Certaines expériences locales de
développement dans le respect de l’environnement ont réussi. Elles peuvent
avoir valeur non pas d’exemple mais d’inspiration libre.
-
L’action
« Chodak » au Sénégal – Prise en main par une population locale de
ses affaires. Génie propre des communautés de base.
-
L’expérience des
Swadhyayee en Inde – Respect des seuils et des limites.
-
L’intérêt
renouvelé pour l’énergie solaire et la biomasse – « Le plan alcool »
au Brésil – éthanol et carburol. (à partir de la bagasse, le résidu de la canne
à sucre ou de la cellulose de bois)
-
Action de
formation : l’Ecole en faveur de l’environnement (projet OCDE)
·
Pour une
Charte mondiale des droits du vivant et des générations futures
Un nouveau droit international de
l’environnement Sauver Gaïa pour nous sauver nous-mêmes.
Un Contrat naturel en plus
du Contrat social :
La modernité occidentale repose
sur une attitude prométhéenne (valeurs de l’action de maitrise) et faustienne
(valeurs de l’acquisition des savoirs)
Dans la Nouvelle Atlantide
(1627) Roger Bacon définit ainsi le programme des Temps Modernes :
« faire reculer les bornes de l’Empire humain en vue de réaliser toutes
les choses possibles »
Cela veut dire qu’il n’y a guère
de limites à l’action technique des hommes et que l’ordre naturel doit se plier
à l’entreprise artificielle.
L’homme a reproduit, en les
démultipliant, les capacités de son corps = habileté manuelle et force
musculaire démultipliées par les machines.
Facultés de calcul de son cerveau
= démultipliés par les ordinateurs et les capteurs artificiels – Intelligence
artificielle. Puis l’homme a tenté de pénétrer l’intimité de la matière et de
la vie = fission de l’atome – Auto-reproduction (génie génétique).
Les Modernes sont peu enclins à
admettre l’idée de limites.
Allergie sociale diffuse aux
normes du fait de la montée en puissance du critère de rentabilité économique.
Extansion du domaine des échanges marchands.
Le concept de développement
durable s’oppose aux externalités, c'est-à-dire aux effets dommageables
pour autrui d’actions dont les auteurs ne supportent pas la charge.
Conscience de la double nature
des techniques : bienfaits et maux.
La morale induite du concept de
développement durable ajoute à l’impératif kantien entre sujets humains deux
impératifs supplémentaires :
-
Se soucier des
effets de nos actions quant aux générations futures
-
Se soucier de
l’effet de nos actions sur les êtres non humains.
Au Contrat social s’ajoute le
Contrat naturel (Michel
Serres).
Méthodologie pour la mise en
œuvre du développement durable :
C’est un objectif difficile à atteindre
parce qu’il exige un changement global et drastique dans les manières,
individuelles et collectives, de penser et de se comporter vis-à-vis de la
nature et de nos successeurs.
Le développement durable impose
l’invention d’une nouvelle logique de sociabilité basée sur la durabilité
et la prospective.
Certains principes d’action sont à
intégrer dans nos comportements :
1-
Le
principe de précaution :
Il figure dans la liste des
principes fondamentaux retenus par la Déclaration finale du Sommet de la Terre
à Rio en 1992 (sous le N° 15)
Face à des dommages potentiels
graves et dans un contexte d’incertitude scientifique, ce principe nous incite
à prévenir le danger sans attendre d’avoir levé cette incertitude.
Risques environnementaux – Risques
sanitaires (santé animale – « La vache folle » - et végétale – les OGM - ).
Le principe de précaution entraine
une nouvelle attitude face au progrès technique. Il renouvelle ainsi la
philosophie du progrès qui créditait d’emblée les techniques nouvelles de
toutes les vertus et de bienfaits sociaux automatiques.
Il n’est pas question de s’opposer
au progrès technique, bien entendu. Mais il faut l’apprécier au cas par cas, en
fonction des avantages prévisibles ou avérées qu’il fournit au corps social.
Le principe de précaution incite à
étendre aux produits et techniques sensibles le protocole d’expérimentation
avant diffusion large et mise sur le marché (ce qui est déjà en vigueur pour
les médicaments)
2-
La
participation citoyenne
Certains choix technologiques
induisent des choix de société : le futur énergétique, le réchauffement
climatique, l’assistance médicale à la procréation et ses enjeux éthiques, etc
…
Ces choix ne peuvent pas être
tranchées par les seuls spécialistes.
C’est pourquoi de plus en plus,
des « conférences de consensus » sont réunies. Elles
regroupent des citoyens qui ne sont ni des spécialistes, ni surtout des
représentants d’intérêts déjà constitués. Ils débattent de sujets d’intérêt
général (OGM par exemple) et émettent une série de recommandations à l’intention
des élus et des responsables politiques pour éclairer leurs décisions.
3-
Les
changements de méthodes dans la production des biens et le flux financier et
énergétique : L’écologie industrielle
a-
Retraitement
des déchets :
Sur la plate-forme portuaire de
Kalundborg près de Copenhagne, cinq entreprises utilisent partiellement comme
ressources les déchets produits par les autres industriels.
Idem pour d’autres sites de
production par recyclage (Grande-Synthe en France, Styrie en Autriche, etc …).
b-
L’économie de
fonctionnalité :
Il s’agit d’un concept mis au
point par des économistes dont Walter R. Stahel qui pose un autre rapport aux
produits : celui de l’usage et non plus de la possession.
Amener les industriels à louer et
non plus à vendre et donc à changer leurs stratégies : concevoir des
produits pérennes, contrôler le cycle de vie de leurs produits et les recycler
au terme de leur existence pour éviter un gaspillage massif = 80% des biens
vendus sont jetés après une seule utilisation devenant déchets, six semaines en
moyenne après la vente du produit.
c-
Les
écosystèmes industriels et les nouveaux procédés de fabrication :
Regroupement de sites de
production industriels sur le modèle des écosystèmes naturels en recherchant la
complémentarité des spécialisations et surtout à trouver de nouveaux procédés
de fabrication fonctionnant par addition et non par extraction de
matière (sur le modèle de la biochimie). Le fonctionnement des économies
n’aboutirait plus alors forcément à la destruction progressive des ressources
naturelles et leur remplacement par des machines ou des techniques, mais au
contraire à la préservation de la biosphère grâce à la quasi-fermeture sur
eux-mêmes des cycles de matières qui alimentent nos activités.
CONCLUSION :
En plus de ces considérations
techniques, le développement durable impose que soit mis fin à la
marginalisation d’une part de la population au sein de chaque nation (les Quart-mondes)
ainsi qu’à l’échelle mondiale (disparités insupportables entre les nations).
Le développement durable reprend à
son compte un combat séculaire pour la justice et la démocratie mais en le
conjuguant avec des préoccupations nouvelles : notion d’intérêt général
étendue d’une part à notre environnement et, d’autre part, au futur
des générations à venir.
Il élargit, d’autre part, le champ
des procédures démocratiques à la participation citoyenne et à la
détermination des choix technologiques qui conditionnent, en partie, les choix
de société.