6 octobre 2003
Faouzi Bensaïdi au Festival international du film de Marrakech : «J’espère que Mille mois appartient au nouveau cinéma marocain»
Samedi, lendemain de la projection de Mille
mois en ouverture du Festival, c’est dans l’intimité d’un salon du Palais des
Congrès que le réalisateur marocain, Faouzi Bensaidi a répondu, souriant et
détendu, aux questions des journalistes de la presse marocaine et
internationale. Comment s’est déroulée la sortie de Mille mois en France le 1er
octobre ?
En deux temps. D’abord, il y a eu une période d’avant-premières dans des villes françaises comme Strasbourg, Marseille, Lyon. Je m’attendais à ce que les questions se répètent et j’ai été surpris de constater que, dans chaque ville, le point de vue sur le film changeait. Cela m’a fait plaisir car j’ai toujours voulu que Mille mois comporte diverses entrées. Ensuite, il y eu le mercredi de la sortie. D’habitude c’est un jour où je me précipite chez le marchand de journaux pour lire les articles sur le cinéma. Ce mercredi 1er octobre, je n’ai pas pu. J’ai attendu que mon producteur m’appelle. Il m’a annoncé que c’était extraordinaire, que les critiques de Libération et des Inrockuptibles étaient bonnes...
Une presse constante, mais pas
unanime. Tant mieux, car l’unanimité ne m’intéresse pas. Côté public, les
débuts sont moyens. Mais Mille mois n’est pas un film à faire salle comble à la
première projection. Déjà, nous avons sorti 25 copies et non 800. Et puis il a
besoin de temps pour s’installer. J’espère qu’il va rencontrer son public.
Vous vous êtes d’abord fait connaître
via vos courts-métrages. Votre premier long métrage enchaîne des séquences très
maîtrisées. Est-il un assemblage de courts ?
Je ne crois pas que les courts
métrages préparent aux longs. Pour moi, ce sont deux formes différentes. Mais
c’est vrai que j’ai ce souci de maîtrise. C’est ma façon de faire. Certains
cinéastes travaillent davantage dans l’improvisation. Moi, j’ai besoin qu’un
film soit conçu. Je dessine chaque plan avec précision. C’est aussi ce qui me
permet d’être libre sur un tournage.
A la sortie de la projection,
certaines personnes ont déclaré que Mille mois marquait les débuts d’un nouveau
cinéma marocain en osant parler d’une époque (1981) peu abordée. Qu’en
pensez-vous et auriez-vous pu situer votre film aujourd’hui ?
J’espère que mon film appartient au
nouveau cinéma marocain. Pas seulement dans le propos, mais aussi dans la forme
: j’espère que ma manière de voir, de filmer, est également novatrice. Je ne
suis pas le premier à parler de ce qu’on appelle les années de plomb, la presse
a été pionnière dans ce domaine. Mais j’estime qu’un peuple a besoin de
regarder son histoire contemporaine.
Des pays comme les Etats-Unis le font
rapidement. Au Maroc, il nous a fallu un peu de temps. Je voulais parler de
1981 et non de 2003. Pas par fuite ou auto-censure mais parce que j’ai connu
cette époque et que mon désir était de peindre cette tension impalpable qu’il y
avait dans l’air. Je voulais attaquer le sujet de biais, sans montrer de
«scènes marquées» comme des manifestations, mais en présentant des gens simples
qui ne faisaient pas l’histoire mais la vivaient. Ce film pose aussi la
question de ce que l’on doit montrer.
Vous dédicacez ce film à votre père. Quelle
est la part autobiographique dans Mille mois ? En tant qu’enfant de Meknès,
allez-vous continuer à vous inspirer de cette ville ?
Cinéaste est encore un métier mal vu.
Moi, j’ai eu la chance de voir mon choix accepté très tôt par mon père. Je
voulais l’en remercier. Mais je ne suis pas Mehdi (le petit garçon), Mille mois
ne raconte pas mon histoire. Je me suis aperçu tard que la dédicace conduirait
à une fausse piste. En même temps, j’aime bien entraîner sur des fausses
pistes... Je dirais que la part autobiographique se situe d’abord dans ma
manière de filmer : mon regard a été aiguisé dans une ville tout en plans
larges. Et puis il y a certains personnages qui ressemblent à des gens un peu
extravagants que j’ai croisés, enfant. J’ai nourri, par exemple, une affection
particulière pour les ivrognes, ce qui me vaut des remarques parfois.
J’ai grandi à Meknès, c’est vrai,
mais je n’appartiens pas à cette ville, pas plus d’ailleurs qu’à un pays. J’ai
plutôt l’impression d’appartenir à des instants. Et puis je déteste la
campagne, je suis un vrai citadin. Si Meknès me fascine, c’est par son côté
étrange, mythique, avec ses murs partout, ses légendes impossibles et son
aspect authentique. Elle se situe quelque part entre la réalité et le
fantastique. Une ville digne de Bunuel... Mon prochain film se déroulera à
Casablanca. J’ai presque fini de l’écrire. Il a des résonances de film
policier.
Quand est-ce que Mille mois doit
sortir sur les écrans marocains? Et ailleurs ?
Le film sortira en
décembre au Maroc. Un film comme Titanic fait 15 copies alors deux copies pour
un film marocain c’est déjà bien. Je pense que nous en sortirons entre six et
dix. Dans le monde arabe, il n’y a pas de marché du cinéma. A part avec la
Tunisie peut-être. Par contre, Mille mois a été acheté en Italie, Belgique,
Luxembourg, Hollande, Suisse, Angleterre, Canada, Finlande, Australie...
* Faouzi Bensaidi ayant déjà répondu au Matin pendant le Festival de Cannes,
nous rendons compte ici des réponses qu’il a pu faire lors de sa conférence de
presse à Marrakech.
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