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Comité économique et social européen

PREMIERE CONVENTION
DE LA SOCIETE CIVILE ORGANISEE AU NIVEAU EUROPEEN



Bruxelles – 15 et 16 octobre 1999
INTERVENTION DE M.JACQUES DELORS,
ancien Président de la Commission européenne ( 1985-1995)



Madame la Présidente, Madame la Vice – présidente de la Commission européen, Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs,


Il faut saluer cette initiative du CES et de sa présidente qui a consacré tant de volonté et tant de pugnacité, non pas seulement pour raison de politesse, non pas par une sorte de devoir de flatterie mais parce que, depuis que ce concept de société civile organisée a été lancé, il a déjà fait son chemin.


Certains Comités économiques et sociaux de la société civile et certains plus précis, et j’y reviendrais, parlent de société civile organisée. En effet, on a beaucoup glosé sur la société civile et ce serait un sujet de plaisanterie de voir comment certains brandissaient l’étendard de la société civile pour entrer en politique et ensuite se comporter comme les autres hommes politiques parce que cela a ses exigences. Mais la société civile ne date pas d’aujourd’hui et ce qui nous importe c’est que, même si la formule vous paraît un peu brutale, nous sommes quand même dans un ère de désenchantement démocratique même si, et c’est là le paradoxe, au nom des principes de la démocratie, celle – ci l’a emporté sur les totalitarismes depuis un demi siècle. Qui ne s’en réjouirait pas?


La vice-présidente de la Commission européenne a fait allusion à l’élargissement par ces pays essaient de reconstruire précisément une société civile, débarrassés qu’ils sont d’une tutelle insupportable de l’état. Cette société civile, elle a donc fait l’objet tout au long de ces siècles de beaucoup de réflexion. On la trouve, et ceci est très bien dit dans l’avis d’initiative du CES, on la trouve au moment du siècle des lumières et de la promotion de l’individu. Mais avec certains auteurs déjà une crainte. Je n’abuserai pas des citations mais je vois par exemple que M.Adam Fergusson au XVIIIème siècle dit, je cite « la modernité de la société civile, celle qui porte en elle autant de puissance libératrice, semble isoler les individus jusqu’à leur faire perdre conscience d’appartenir à un tout ». Et depuis cette époque, entre la nécessaire et vitale expression des individus, débarrassés des tutelles de l’époque, et, d’autre part, la nécessité pour ces individus, d’être représentés, de pouvoir s’exprimer à tous les niveaux, c’est l’éternelle dialectique.
Je vous ai dit à l’heure, il ne faut pas confondre société civile et société civile organisée. C’est pourquoi, je commencerai par essayer de comprendre les évolutions de la société civile avant de revenir à la société civile organisée qui à été excellemment définie dans le rapport de Mme Sigmund qui en a fourni des bases claires: des institutions plus ou moins formalisées sur base volontaire qui sont structurées par le droit et qui sont un lien de formation de la volonté collective et de représentation des citoyens.
Je vous propose donc un regard sur l’évolution de la société civile car il me semble que tous ceux qui sont responsables politiques, ou dans le domaine économique et social, ou autres, ne doivent pas penser que la société ne fait qu’obéir à leurs impulsions. Une société surtout produit. Et par conséquent, il faut toujours l’observer pour voir quels sont les problèmes que posent non seulement son évolution mais la traduction de ses aspirations et de ses besoins. Et ensuite, faire face à cette crise du politique, le mot est un peu fort, ou de désenchantement démocratique pour revenir et souligner la nécessité, le besoin d’une société civile organisée.

La société civile bouge. Elle est au cœur de la mutation présente. Pour aller vite, nous quittons le rivage de la société industrielle et du cadre de l’Etat – nation. Nous sommes au milieu du gué et nous allons vers une société dite post – industrielle, d’autres parlent de société digitale, et nous allons aussi vers une globalisation qui d’ailleurs, j’en suis certain, n’effacera pas les Etats – nations.

Donc, nous sommes au milieu du gué et il faut essayer de comprendre ce qui se passe tout d’abord dans la société. Je vous citerai un peu banalement d’ailleurs, et je m’en excuse, quelques – uns des paramètres que l’on oublie toujours quand on se place au niveau de la société civile organisée et qui sont importants.
Le premier n’appelle pas de commentaire, c’est le grand phénomène de ces cinquante dernières années, c’est la promotion de la femme. Avec toutes ses conséquences, non seulement sur le plan philosophique mais aussi sur le plan de l’organisation de la société, des besoins qu’elle émet.

Le second, c’est la fragilisation de la cellule familiale traditionnelle. Et la transformation de la parenté. Si je vous signale cela, ce n’est pas pour faire une glose générale sur ces nouvelles formes de parenté qui existent, ou même sur ces individus isolés, sur les familles mono – parentales. Mais pour vous poser une question. Qui représente aujourd’hui les familles dans leur ensemble, et dans leur diversité? Qui les représente et peut transmettre leurs aspirations?

Troisième paramètre, aussi banal, les transformations des comportements religieux qui ont suivi, au cours des deux siècles, la laïcisation des institutions politiques. Croyance, participation, sentiment d’appartenance, tout cela bouge mais pas seulement dans un seul sens. Je ne fais pas simplement allusion aux secte, à la diminution de la pratique religieuse mais aussi à une sorte de quête au – delà de cette diminution de la pratique religieuse, une quête de sens qui s’exprime de différent façons.

Quatrième paramètre, celui qui se rapproche davantage des préoccupations des organisations représentées au Comité économique et social, ce sont les transformations du marché du travail sous l’effet notamment de la révolution technologique. Quelle forme de représentation demain, alors que les effectifs des organisations syndicales baissent, c’est indiscutable, quelle forme de dialogue social, quelle hiérarchie de négociations? Allons – nous, comme le prétendent certains, vers un marché du travail où chaque individu sera son propre entrepreneur et négociera son contrat de travail avec le chef d’entreprise? Allons – nous vers la disparition des formes de représentation collective quand on sait qu’aujourd’hui nous avons quitté la société du Taylorisme pour entre dans un univers où les travailleurs deviennent plus autonomes. On exige davantage d’eux que, non seulement, ils remplissent leur tâche mais qu’ils contrôlent leur tâche et on voit déjà sur le marché global des professionnels qui sont indépendants en quelque sorte des contraintes des entreprises et qui sont demandés sur l’ensemble du marché. Alors entre ceux qui sont dans des entreprises, qui doivent s’adapter, mais qui ont toujours un contrat de travail et qui trouvent dans l’entreprise la valeur ajoutée de leurs efforts et, d’un autre côté, tous ceux qui sont assujettis à la flexibilité du marché du travail, à une mobilité contrainte, et au milieu ces professionnels, je crois que c’est un sujet de réflexion important pour les organisations professionnelles, patronales et syndicales si elles veulent continuer à prétendre légitimement qu’elles peuvent exprimer les aspirations, les besoins des intéressés. Et dans le fond, c’est tout le modèle européen, sous ses différentes formes, de concertation, de négociation qui est en cause. Je ne dis pas qu’il va disparaître mais enfin, vous le savez, il est en cause et on ne peut pas faire comme si rien ne bougeait et ne pas tenir compte de cela. Et ceux qui sont bousculés sur le marché du travail, n’ont pas les mêmes besoins, les mêmes garanties que ceux qui sont ces professionnels recherchés sur le marché mondial.

Cinquième paramètre de cette évolution, la ville européenne. Nous en avons beaucoup parlé ces dernières années dans nos dialogues avec les amis des pays de l’est et du centre de l’Europe. Car la ville européenne, au – delà des différences, des divergences qui ont été construites par un décret fâcheux de l’histoire qui a mis ces pays sous le communisme, la ville européenne est restée, même chez eux, un élément essentiel de la civilisation européenne et un point commun à (nos hôtes), une forme d’expression à notre civilisation et de notre identité. La ville marchande, la ville espace culturel, la ville visage des exclusions sociales nouvelles, la ville lieu da société ou non. Internet va-t-il supprimé la sociabilité facilitée par les villes? La ville, pilier de l’aménagement du territoire. C’est donc un phénomène économique, social et de civilisation. Qui représente la ville? Qui l’exprime aujourd’hui? Bien sûr, les bourgmestres, les maires des villes, mais qui tient compte de ces éléments là dans les politiques qui sont définies à notre niveau, je parle de la politique d’aménagement du territoire et je parle aussi de l’exclusion et de bien d’autres phénomènes.

Et enfin, sixième paramètre, le développement de la vie associative. Là aussi, dans nos discussions avec nos amis de l’est et du centre de l’Europe, on voit bien que c’est un problème pour eux : reconstituer des acteurs d’une société civile. Et on doit les aider dans ce domaine. Bien sûr, ils sont créatifs, ils ont des traditions mais on doit les aider également dans ce domaine. On estime que si l’on ajoute les associations, les mutuelles et les coopératives, 250 millions d ‘Européens en sont membres sur les 370 millions qui appartiennent à l’Union européenne. Et pour ne tenir compte que du phénomène associatif, je serai amené tout à l’heure à distinguer association, mutuelle et coopérative, c’est prés de 100.000.000 qui participent à des associations. Et attention, par rapport à la vie associative d’il y a 30 ans, les jeunes générations pratiquent le zapping. Ils ne restent pas très longtemps dans une association. Ils essaient, en tant que citoyen, de trouver le meilleur moyen de s’exprimer. Une enquête réalisée par Tony Blair en Grande – Bretagne sur la dépolitisation des jeunes générations, le montre fort bien. Ces jeunes générations connaissent les problèmes collectifs mais ils ne font plus confiance aux politiques pour les traduire. Donc ils essaient de s’investir quand ils ont le courage et le temps pour résoudre une partie des problèmes posés. Donc ce n’est pas la méconnaissance ou l’indifférence mais c’est une sorte de distance prise pour des raisons multiples avec la classe politique et une intelligence des problèmes qui doivent être résolus et qu’on essaie de faire dans une démocratie à portée de la main. Et d’ailleurs ces associations ont déjà beaucoup travaillé. Mon sentiment personnel, corroboré par des observateurs plus attentifs et plus compétents que moi, montre que les associations ont fait, avec le Comité économique et social, un lobbying très actif sur le Traité d’Amsterdam. Et d’ailleurs on trouve dans ce traité, sur le service public, sur la lutte contre les discriminations et même aussi sur la lutte contre la pauvreté qui est pourtant le parent pauvre de nos activités, on trouve des textes qui doivent beaucoup à l’action des associations et du Comité économique et social.

Voilà donc me semble – t-il quelques éléments de la société que je retrouverai tout – à – l’heure en parlant de la société civile organisée car il faut tâter le pouls de cette société, il faut essayer de la comprendre. Mais, bien sûr, nous faisons cette réflexion dans le contexte d’une crise du politique. Cette crise du politique c’est d’abord une crise du sens. Rappelez – vous, nos intellectuels renforcés par les médias nous ont annoncé la mort de Dieu dans les années soixante, puis la mort des idéologies, lesquelles sont d’ailleurs mortes toutes seules. Et, aujourd’hui, les citoyens ressentent un vide et si ce vide n’est pas rempli, il y a le risque, pardonnez-moi l’expression, d’un hold – up de l’économie sur le politique. Quand on regarde la scène politique, l’économie occupe 70 à 80 % des problèmes et un axiome très répandu chez les hommes et les femmes de la politique c’est que, si vous ne connaissez pas bien les problèmes économiques, il est inutile de vouloir devenir premier ministre ou président du Conseil.

Mais la politique ne se résume pas a l’économie. Et si l’économie domine la politique alors où est le rôle transcendantal, le rôle de synthèse de la politique.

Deuxième caractéristique qui me semble très importante: la société est devenue émotionnelle, il faut bien le dire, sous l’emprise des médias. Nous connaissons les événements en temps réel et nous avons tendance à faire à propos des événements , ce qu’on fait dans un McDonald. Vite cuisiné, vite mangé, vite digéré et vite oublié. Et par conséquent, c’est la tyrannie du court terme qui nous menace alors que sans mémoire et sans héritage, sans les traditions que véhiculent vos organisations on ne peut inventer un avenir. La société émotionnelle est sans doute un des risques les plus grands qui actuellement menace le comportement de la démocratie.

Troisième élément qui est dans le fond un peu la contrepartie de cela, c’est l’émergence d’une démocratie d’opinions. Un intellectuel disait: « le dix – neuvième siècle était le siècle des parlements, le vingtième siècle celui des masses, le vingt – et – unième sera celui des opinions publiques ». Mais cette émergence d’une démocratie d’opinions pose des questions sérieuses. Que deviennent les Parlements? Ils votent les lois, ils font des débats, mais que pèse le Parlement aux yeux d’un dirigeant politique en face d’un sondage? La question mérite d’être posée et pas simplement en France où dans notre monarchie républicaine on ne s’intéresse guère au Parlement. Mais c’est vraiment « french- cooking », cela n’a pas d’intérêt je parle plus généralement. Deuxièmement, quid des médiateurs de la société que vous étés, les dirigeants des organisations patronales, syndicales, agricoles? Que peuvent – ils faire? Eux aussi, travailler à coups de sondage? Le sondage, Mesdames et Messieurs, vous savez très bien qu’il est fondé en partie sur le « hidden persuading ». Si on dit aux gens, aimez – vous les films X, ils répondront non, c’est évident. Voulez – vous travailler moins? Ils répondront oui. On est bien avancé après cela pour comprendre exactement ce que veut la société et comment elle fonctionne. Autrement dit, sans négliger les sondages – on ne va pas créer du chômage de ce côté là, il faut savoir refléter et les aspirations des citoYens. Et cela, c’est le devoir de la société civile organisée.
Quatrième cause de crise ou de perplexité: l’essoufflement des modèles sociaux et économiques qui avaient réussi, notamment en Europe. Modèles que les PECO essaient de reconstruire à la place des syndicats – maisons, de l’absence d’entreprises privées, etc. Et donc, eux essaient de reconstruire cela au minimum. Cet essoufflement pose d’abord un problème philosophique. Est – ce que nos modèles, le modèle social européen comme j’aime à le dire, est – ce que ce modèle ne pêche pas trop tendance à devenir tous des créanciers de l’état? Que devient la responsabilité individuelle? Et ceci, bien entendu, vous concerne aussi. Jusqu’à l’expression d’un individualisme exacerbé mais qui peut aussi être transformé peut – être avec un sens plus aigu de la responsabilité individuelle. Je vais prendre un exemple. Nous aurons à faire face, tous, enfin moi je suis trop vieux, mais les jeunes auront à faire face à des aléas dans leur vie professionnelle. Tout le monde le dit. Les métiers changent, les entreprises changent. Face à ces aléas professionnels, faut – il que le « welfare state », l’état providence, dise aux individus « je m’en occupe » ou que ces individus soient armés pour faire face à ces aléas professionnels de la faire? Et d’ailleurs tout ce qui est fait en ce moment pour essayer de réintégrer les jeunes dans la société part de cette idée qu’ils ont une responsabilité pour trouver une place sur le marché du travail. Et ce n’est pas simplement la faute de l’état, de la famille ou de je ne sais quoi.

Cela pose aussi un problème de rééquilibrage entre le marché global, le marché ouvert et les institutions. Quand je parle des institutions je parle de l’Etat, des banques centrales mais aussi des organisations que représentent certains d’entre vous. Et enfin, cela pose un problème de financement, c’est celui – ci d’ailleurs qui a tout déclenché, qui est lié à la démographie, à l’allongement de la durée de la vie, à la baisse des naissances, au niveau d’activité à cause du chômage et aussi aux progrès techniques qui rendent de plus en plus coûteux la politique de la santé.

Enfin, dernier élément de cette perplexité du politique : ce sont les difficultés de maîtrise pour l’Etat – nation tiraillé entre le « global » et le « local ». Si vous ajoutez cet élément à la démocratie d’opinions, vous voyez le chantier qui est ouvert devant nous. Beaucoup d’entre vous et moi aussi, cela m’arrive, raisonnent « global ». J’essaie d’expliquer ce qui se passe dans mon propre pays, dans un secteur d’activité, par le mouvement global, la mondialisation, le marché global financier, etc. Il ne faut pas s’en indigner. Il faut constater le phénomène. Mais eux, les citoyens, ils raisonnent « local ». Ils ont une sorte de perplexité devant ce monde global qu’ils n’arrivent pas à maîtriser. Donc, réconcilier le « global » et le « local » est un élément essentiel pour redonner toute sa noblesse et toute son efficacité à la politique. Mais d’un point de vue plus général, et puisque nous sommes en Europe, on peut se demander si l’Union européenne n’est pas le médiateur idéal entre les Etats-nations, qui perdent de leurs moyens d’influence, et ce « global ». Autrement dit, je suis sûr que dans les livres d’histoire, dans quelques années, on étudiera l’union européenne sous deux aspects différents. L’Union européenne selon les pères des Traités, selon les pères de l’Europe, comme volonté d’instaurer la paix et de créer une Europe politique, un projet politique et on étudiera aussi l’UE comme une organisation régionale qui, dans l’infini jeu de patience de la globalisation, aide à trouver ses marques, imitée déjà par le Mercosur et j’en suis sûr, demain, par l’Asean qui ont compris les limites d’une simple consultation informelle entre ses membres et qui songent à créer des institutions.

Telles sont, me semble–t-il les éléments qui appellent non seulement une réflexion du politique mais aussi une action et une réflexion de la société civile organisée. Cette société civile organisée, je l’ai die, et Mme Sigmund l’a très bien définie, ne vous voilons pas la face, les groupes qui sont représentés ici expriment des intérêts parfois corporatistes. Il n’est pas question de tomber dans la tentation que les acteurs de la société civile organisée disent « nous représentons l’intérêt général ». Ils peuvent, en discuter entre eux, dégager un intérêt général. Mais c’est tout–à-fait diffèrent. Quant à la vie associative qui vit beaucoup autour de la Commission européenne, attention que ses responsables ne s’installent pas. Qu’ils ne croient pas qu’ils ont un monopole de la représentation de la société. La vie associative, cela bouge comme la société. Et par conséquent, il faut faire très attention de ne pas instituer ad vitam aeternam des interlocuteurs en laissant de côté tout ce qui émerge dans la société, telle qu’elle bouge. Mais je pense, pour les représentants de la société civile organisée, plus que jamais on compte sur eux pour tâter le pouls de la société. Et je l’ai dit, pas seulement par des sondages.

Ma réflexion un peu aigre sur l’installation des associations, voulait simplement dire en terme plus noble que cela pose de sérieux problèmes de représentativité. Autant la représentativité politique est faite par les élections, autant la représentativité syndicale est faite par le nombre d’adhérents, les représentations dans les votes aux différentes instances, autant pour le reste c’est beaucoup plus compliqué. Et par conséquent, comme le neuf peut surgir en dehors des cadres traditionnels, il faut sorte d’institution interactive avec ceux qui ne sont pas représentés ici plutôt que de perdre son temps à savoir s’il faut créer un quatrième groupe, donc une forme interactive mais je la souhaiterais ouverte et pas simplement aux associations et aux groupes déjà installés.

Deuxième élément de la société civile où elle est indispensable, le besoin classique de médiation. Entre le citoyen et le pouvoir, entre l’acteur économique et social et le pouvoir. Ce besoin de médiation est encore plus vital dans une démocratie d’opinions où l’homme politique peut être effrayé par le vide qu’il y a entre lui et le simple citoyen. Ou il peut être effrayé quand un homme des médias le reçoit à la télévision et lui dit, « il vient d’y avoir telle catastrophe, quelle est votre solution? » Et il ne peut même pas comme le Barbier du Figaro (?) dire « laissez moi respirer ». Il doit répondre tout de suite. Et ceci n’est pas possible. Il faut retrouver le temps de la durée et de la réflexion. Et c’est pourquoi cette médiation là peut aider à une meilleure gouvernance de la société.

Troisième justification de la société civile organisée, le besoin d’expertise. Devant la complexité croissante des problèmes, les énigmes de la science, l’obsession de notre société du risque zéro renforcée là aussi par la société émotionnelle; celui qui fume trente cigarettes par jour, exigera le risque zéro ailleurs. Et il oubliera même que lui joue sa propre aventure. Le risque zéro n’existe pas.

La vie est une aventure et chacun doit prendre ses propres responsabilité. Ce n’est pas une raison pour essayer de comprendre les mécanismes de la dioxine, de la vache folle, des OGM ou autres, mais croyez-moi, ce sont des problèmes d’une grande gravité. Et je me rappelle que, dans des temps plus faciles, dans les années 70 et au début des années 80, le Comité économique et social a joué un rôle irremplaçable pour constituer le marché intérieur. Je redeviens prosaïque. Car ces avis, sur les règles techniques, sur les normes et sur les Harmonisations étaient des avis exemplaires et complétaient très utilement ce que pouvait faire la Commission elle-même.

On peut donc se demander si aujourd’hui, la société civile organisée du CES ne pourrait pas nous donner quelques clefs pour cela. On parle beaucoup de dopage dans le sport. Evidemment, on cherche des boucs émissaires. Le bouc émissaire favori c’est le coureur cycliste, c’est-à-dire celui qui pratique le dernier sport prolétarien. Mais personne n’a jamais posé la question aux hommes de science: qu’est ce qui est nécessaire à un coureur cycliste ou à un joueur de football, du point de vue de sa nourriture et des compléments pour qu’ils puissent récupérer et pratiquer un sport tres exigeant et à partir de quelle limite ils trichent ou ils mettent en jeu leur santé. Moi, je ne vois rien venir là-dessus. Et il me semble qu’il faut qu’il y ait un endroit où pose ces questions. Non pas que le politique va se reposer sur la science. Quand j’étais président de la Commission, il y a eu les événements de Tchernobyl. On a réuni un groupe de scientifiques. Malheureusement sur les 12 pays représentés certains pensaient davantage aux intérêts de leur pays qu’à l’exigence de la science.

Donc je ne me fais pas trop d’illusions. Mais je pense quand même que la société civile organisée doit prendre des responsabilités dans ce domaine pour éclairer les citoyens et dissiper certaines angoisses inutiles. Quand on prend de la distance avec ces problèmes, on voit combien d’erreurs ont pu être commises, de bêtises dites sur ces questions.

Quatrième besoin de société civile, une nouvelle synthèse entre le marché et le contrat. Le marché est ouvert mais, chacun le sait, le marché a ses limites, il est myope, il n’embrasse pas les intérêts à long terme et en ce qui concerne les biens collectifs, il n’exprime pas les besoins, il ne sanctionne pas aussi bien les activités comme on le souhaiterait. Par conséquent, on a besoin, à côté, d’un minimum de règles du jeu. Je n’oserai pas employer le mot régulation pour ne pas fâcher davantage M. Blair et M. Jospin. enfin, on a besoin au moins de règles du jeu. Ce qui implique écoute, concertation et négociation. Et dans le fond, le CES est bien placé pour fournir ces nouvelles règles de jeu.
Et enfin, cinquième point, et dernier, pour justifier ce besoin de la société civile organisée, la contribution à un meilleur fonctionnement de l’Union européenne. Là – dessus, l’avis de Mme Sigmund est très clair en ce qui concerne où nous en sommes, même si c’est un peu sévère. L’UE se trouve confrontée au manque de confiance des citoyens de l’Union qui reprochent à celle – ci son manque d’efficacité, qui montrent du doigt les déficits démocratiques et réclament une plus grande proximité vis-à-vis des citoyens. Alors, comment peut-on contribuer à ce meilleur fonctionnement? Certes les institutions sont à adapter, les responsabilités sont à clarifier, la subsidiarité à faire jouer mieux dans les deux sens et non pas utiliser par un alibi dans certains cas, une charte paraît nécessaire, Madame la vice-présidente en a parlé, elle va revenir à un groupe, cette initiative allemande relayée par la présidence finlandaise mais on en revient à la règle d’or pour essayer de faire ce meilleur fonctionnement. Cette règle d’or c’est écouter, écouter et écouter, ce que dit la société, traduire ce qu’elle dit de manière claire et ensuite une fois qu’on a pris ses responsabilités, y compris dans la société civile organisée, expliquer, expliquer, expliquer.
Je crois qu’il y a une tâche fantastique à faire pour que la construction européenne devienne une aventure collective et participative pour ceux qui le souhaitent. Pour faire cela, des statuts européens sont nécessaires. Je sais que c’est extrêmement difficile pour la coopérative car entre des grandes coopératives que sont le Crédit Agricole et Rabo Bank et les petites coopératives, je sais que c’est très difficile pour les mutuelles car nous entrons là dans la question de l’européanisation des systèmes de sécurité sociale, nous n’en sommes pas là. C’est une question grave et difficile. Mais au moins il faudrait avoir un statut européen de l’association de façon à éviter beaucoup d’acrobaties, de frais inutiles et de responsabiliser ces associations davantage, notamment devant la Commission européenne qui les aide énormément.


Voilà me semble-t-il ce qui justifie le besoin d’une société civile organisée. Et donc le Comité économique et social a décidé avec les risques inhérents au genre à jouer les pionniers que cette démocratie européenne a réinventé. Pour ce faire, la société civile au sens large. Et c’est pourquoi, je me suis permis de commencer avec quelques banalités sur cette société civile.





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