ASSISES DE LA MÉDITERRANÉE

(Marseille, 5 juillet 2000)

 

Prospectives du processus de Barcelone

 

Antonio Badini,

Directeur Général de la Méditerranée et du Moyen Orient

Ministère des Affaires Etrangères – Italie

 

Mesdames et Messieurs,

 

            Ces Assises évoquent, pour moi, les grands espoirs que le Forum civil de Barcelone de 1996 et le Forum civil de Naples de 1997 semblaient permettre. Je crois que parmi les initiatives les plus novatrices réalisées après la Déclaration de Barcelone, une place importante revient aux manifestations de ces Forums et Assises. Il est difficile de concevoir que le modèle de partenariat puisse s’affirmer sans la partecipation des Autorités régionales, des collectivités locales et des instances les plus représentatives de la Société Civile.

 

            Malheureusement, il manque un schéma de référence pour la promotion d’un rôle majeur de ces Instances. La Déclaration de Barcelone ne construit pas un cadre régional institutionnalisé où les différents acteurs, en dehors des Gouvernements, trouvent leur capacité d’action. Or personne, me sembe-t-il, ne met en cause le fait que le rôle des académiciens, des maîtres à penser, des hommes de lettres soit d’oeuvrer à la création d’un espace civilisationnel qui sache réconcilier les diverses identités existantes au sein du Partenariat avec des valeurs et des principes partagés de tous.

 

            J’affirmais cette nécessité il y a deux ans lorsque je participais aux travaux pour la création de l’Académie de la Méditerranée, qui fait aujourd’hui sa rentrée solennelle. J’ai qualifié à cette occasion, l’engagement des quelques académiciens impliqués, comme étant un acte de foi. Je me félicite aujourd’hui des progrès accomplis dans la création de l’Académie Méditerranéenne.

 

            Alors que le Sud-est asiatique tend à devenir l’un des centres de gravité de l’économie mondiale, l’espace méditerranéen reste plutôt hésitant face à cette lecture de la réalité ? Commençons par reconnaître que cela ne nous est pas imposé par la malchance. On ne voit pas comment on pourrait faire face à des défis de taille comme celui de la création d’une zone de libre échange sans une perception partagée des enjeux majeurs que ces défis impliquent.

 

            A’ l’issue du premier cycle quinquennal du Partenariat qui va de 1996 a l’an 2000 nous pouvons constater que les réformes dans le partenaires de la rive sud traînent face aux changements de l’économie mondiale et que le contexte de la région n’apparaît pas propice à favoriser l’intégration des marchés prônés par les Accords d’Association.

 

            Les progrès réalisés bien que remarquables ne doivent pas masquer la réalité des choses : l’Union mène de nombreuses activités avec beaucoup de lenteur et de dispersion, sans un fil directeur. La Déclaration de Barcelone a été – à juste titre – saluée comme un tournant historique dans les relations euro-méditerranéennes mais les pratiques, règles et procédures, qui demeurent encore trop eurocentriques, n’ont pas permis au Partenariat d’exploiter entièrement ses potentialités, qui sont énormes.

 

            Cela requiert de repenser en profondeur le mode de fonctionnement du programme MEDA à partir d’une révision substantielle du Règlement financier. Il faudra que l’effort à déployer soit à mesure de l’enjeu : stopper la progressive marginalisation de la Méditerranée par rapport aux attentes suscitées par la Déclaration de Barcelone.

 

            A mon avis, la tâche prioritaire est de traduire, dans un plan d’action d’urgence, les nombreux éléments de convergence géopolitique – à savoir l’élimination graduelle des foyers de conflit et tension qui menacent la paix – et géo-économique, par une nouvelle impulsion au processus de modernisation de l’appareil productif des partenaires.

 

            Deux directions principales pourraient se dégager de ce plan. D’un côté l’achèvement des travaux de la Charte euro-méditerranéenne pour la paix et la stabilité à l’occasion d’un sommet qui en principe est envisagé pour le 14 novembre, ici à Marseille. De l’autre côté, il sera nécessaire de donner à nos partenaires les assurances nécessaires sur le fait que l’Union est pleinement consciente que le volet de la sécurité de la Région recouvre aussi une forte dimension économique et sociale. A cet égard le fond MEDA devrait agir en tant que catalyseur pour associer à la réalisation du partenariat tous les grands acteurs en mesure d’y apporter une contribution dans leurs domaines de compétence respectives.

            Parmi ceux-ci il faudra, à mon sens, retenir :

·        Les collectivités locales et les régions nationales, surtout celles frontalières dans le but de renforcer le recours au partenariat dans les interventions étatiques. Toute forme de  coopération transfrontalière devra, en tout état de cause, être approuvée par les organes centraux de l’Etat et être bien coordonnée avec l’action de ceux-ci pour que la construction du nouvel espace euro-méditerranéen se fasse en harmonie et dans le respect des choix nationaux.

·        Promouvoir l’intégration des instruments d’intervention de l’Union et ceux des Etats Membres, des Institutions Financières à partir de la Banque Européenne des investissements dans le but de reforcer l’impact des mesures d’accompagnement des réformes et de faire fonctionner les fonds MEDA comme levier.

·        De faire en sorte que les mutations économiques ne se produisent pas aux dépens du tissu social qui reste un facteur clé pour la stabilité politique. Des mesures spécifiques devraient être mises en oeuvre pour la mobilisation des investisseurs et pour le transfert du savoir-faire qui se greffe sur la promotion des capacités nationales de développement technologique.

 

J’ai mis l’accent sur le volet économique parce que celui-ci est reconnu généralement comme le moteur du changement. Le bien-être d’un pays, à la longue, dépend de sa capacité de produire des richesses supplémentaires. En plus, le développement économique est une condition essentielle de la stabilité sociale et, par conséquent, un composant de la sécurité. Mais un  confiance accrue reste un facteur clé également pour la sécurité politique.

 

Il est un fait que les progrès dans ce secteur sont pratiquement inexistants. Aucun effort sérieux n’a été accompli pour identifier un terrain commun dans le domaine de la sécurité. L’Union n’a pas encore tranché clairement où se termine la menace dont il faut se défendre et commencent les risques communs auxquels il faut faire face ensemble par le biais de politiques de co-gestion et l’exercice d’une véritable co-responsabilité. De leur côté, les partenaires n’ont pas éliminé la contradiction entre l’intérêt qu’ils portent à une Europe capable d’assumer une responsabilité majeure au sein du rapport atlantique et la crainte que l’Union par sa décision de se doter d’une politique commune de sécurité et de défense puisse porter atteinte à leur souveraineté et intégrité territoriale.

 

Tous ceux qui se battent pour un partenariat réel qui ne se confine pas dans les bonnes intentions, souhaitent que l’adoption de la Charte ait lieu le 14 novembre ici à Marseille et que ce document soi l’amorce d’un cadre institutionnel de relations équilibrées visant à l’édification d’une communauté solidaire et maître de son propre destin.

 

Certes, l’identité euro-méditerranéenne ne doit pas constituer une alternative à l’identité arabe, israélienne ou européenne. Le Partenariat n’abolit pas les spécifités de chacun, toutefois, cela ne devrait pas conduire à la négation de l’existance d’un espace multiculturel et multiidentitaire qui représente un préalable à un effort accru de rapprochement entre sociétés et systèmes socio-économiques. Et voilà la tâche de ces Assises et de l’Académie qui doivent se constituer en consultations permanentes pour identifier les entrâves à la compréhension mutuelle et en même temps recommander les mesures visant à reduire et à supprimer les facteurs de tension et de crises.

 

            Je vous remercie de votre attention.